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Système nerveux, agentivité et égo : entre manque et excès d'identité

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Le concombre de mer a la spécificité d'avoir un système nerveux temporaire. Ce dernier lui sert à se mouvoir le temps de trouver la roche idéale à laquelle s'accrocher; à partir du moment où cette roche est trouvée, le système nerveux ne sert plus à rien à l'organisme, qui s'en débarrasse donc. Cette particularité est révélatrice de la seule utilité d'un système nerveux : contrôler le mouvement volontaire. Chez des organismes relativement simples, il le fait surtout par des réactions réflexes aux conditions environnantes. Chez des organismes plus complexes, comme l'être humain, il garde la même fonction, mais la remplit autrement. À partir d'un certain niveau de complexité, la façon la plus économe d'inciter l'organisme à se mouvoir est de lui créer une image de soi à partir de laquelle il se développera des routines d'action. Le terme le plus courant pour désigner cette image est celui d'«identité». Celle-ci peut être plus ou moins représent

Apprendre à aimer apprendre : l'orientation romantique comme modèle pour l'orientation professionnelle

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L'attention est la question-clé de l'apprentissage. Il y a certainement de gros gains d'apprentissage à aller chercher dans les méthodes d'enseignement en tant que telles, mais de plus gros gains encore peuvent être faits en s'assurant que l'attention des apprenants est focalisée sur ce qu'on leur enseigne. Souvent, trop de choses attirent cette attention plus que la matière enseignée à l'école. On s'est d'abord rendu compte que la faim était la principale distraction, et on a répondu en offrant des repas gratuits ou à faible cout dans les écoles de milieux défavorisés. On a ensuite constaté que les émotions sont aussi très distrayantes et peuvent elles aussi entraver cet apprentissage, d'où l'importance de mieux les comprendre pour intervenir et éviter leur interférence. S'arrêter à dire que l'attention est la question-clé n'est pas suffisant; il faut aller jusqu'à dire que la motivation est la question-clé. Parce que la

L'éducation moins la vérité : que resterait-il à enseigner?

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  L'UQAM est une terre de diversité, pour ne pas dire un terreau fertile pour les contradictions. En parallèle du militantisme qui se met des oeillères et est incapable de remettre en question l'étroit éventail de vérités auxquelles il adhère, il y a  – surtout en éducation  –  une tendance à ne plus adhérer du tout à l'idée de vérité. Ou sinon, on garde le mot mais on liquide la chose en disant que « chacun a sa vérité ». Comme le concept de vérité n'a d'utilité que si on parle d'idées consensuelles, aussi bien avouer clairement qu'on suggère l'idée qu'il n'y en ait plus. Mais encore, je suppose que soutenir cette idée reviendrait à accepter d'en débattre avec les tenants de la classique vérité consensuelle, et qu'il faudrait alors constater et admettre qu'il n'y a plus aucun sens à débattre, même, si la recherche de vérité n'est pas impliquée. J'écris « surtout en éducation », mais ce n'est pas assez précis. Si l

Enseignement : aimer sa discipline ne suffit pas

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Mathieu Bock-Côté a récemment publié dans les pages du Journal de Montréal un billet titré L’enseignement est un art, pas une science! . Comme un peu de bon grain y côtoie beaucoup d'ivraie, je tiens à m'attaquer à l'ivraie pour qu'on ait davantage envie de planter ce grain. Quand on dit de n'importe quel métier (enseignement, médecine, droit) qu'il s'agit d'un art plutôt que d'une science, on pense au sens latin du mot « art ». Mais le latin « ars » équivaut au grec « technè », et les deux seraient mieux traduits par le terme actuel de « pratique ». Il n'y a donc aucun sens à dire que l'enseignement est un art plutôt qu'une technique. Ceci dit, ce n'est pas une science puisque ce n'est pas un savoir : comme toute profession, c'est la mise en pratique d'un savoir. Je suis donc d'accord pour dire que les facultés des sciences de l'éducation vont trop loin en intégrant le mot « sciences » dans leur nom. La médecin

Doué·e·s/zèbres : l'anticonceptualisme est antipédagogique

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J'ai récemment coanimé une activité visant à définir les besoins de mentorat d'élèves doué·e·s de 1re et 2e secondaire. Or, même si elles et ils avaient tou·te·s une identification faite à partir d'une évaluation neuropsychologique, il fallait éviter de mentionner le terme «douance». Ainsi, on leur a dit qu'on les avait rassemblé·e·s étant donné qu'elles et ils avaient en commun de grandes curiosité et créativité. Le local dans lequel se passait l'activité arborait un portrait de zèbre, soit le nom que se donnent souvent des personnes doué·e·s ne voulant pas porter l'étiquette de «douance» (Québec) ou de «haut potentiel» (Europe). De ce que je peux constater, cette tendance à s'opposer à la catégorisation est courante dans le monde de l'éducation. Moi qui arrive dans ce domaine après un long moment en santé, je ne peux qu'en rester perplexe. Je comprends que l'étiquetage a ses dangers. Du côté des professionnel·le·s qui l'utilisent, il y

Dédiscipliner théorie et pratique : une fausse bonne idée

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Ça ne surprendra personne qui me connait personnellement un tant soit peu si je dis que je me suis longtemps considéré interdisciplinaire. Pour le lectorat qui ne me connait pas du tout, mon parcours scolaire en donnera une idée : sciences culturelles (humaines et sociales)  →  philosophie et littérature  →  sciences naturelles  →  médecine  →  éducation. Et je n'étais pas mêlé parce que j'aimais un peu de tout, mais parce que j'aimais beaucoup de tout... assez pour constamment tenter de jeter des ponts entre mes différentes passions : d'abord entre la médecine et l'édition en m'impliquant dans des journaux étudiants médicaux et en en fondant un, puis entre la gériatrie et l'édition en fondant une entreprise d'assistance à l'écriture autobiographique pour les ainés, etc. L'éducation est un meilleur endroit d'où jeter de tels ponts, d'où le fait que j'y suis plus sur mon X que dans n'importe quelle autre discipline. En fait, je la

Anxiété évaluative et excellence : jeter le bébé avec l'eau du bain

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Même si beaucoup d’étudiant·e·s du labo de ma directrice de doctorat se penchent sur l’anxiété évaluative (la branche de l’anxiété de performance qui concerne les tests scolaires), j’avoue ne pas en être un expert moi-même. Ceci dit, à travers mon exposition à mes collègues, mes apprentissages autodidactes et mon habituelle tendance à aller au fond des choses, je me suis monté une réflexion sur le sujet que je considère pas pire du tout. Elle est ressortie hier à l’occasion d’une discussion dans le cadre d’un séminaire – qui avait la chance de n’être pas que théorique, puisque nous parlions de nos propres expériences. J’en tire plusieurs constats. D’abord, que l’anxiété évaluative semble considérée avec le sérieux d’un trouble psychiatrique inscrit au DSM-5. En fait, ni cette anxiété, ni la plus large anxiété de performance n’y sont. Le diagnostic officiel qui s’en rapproche le plus pourrait être celui de trouble d’anxiété sociale, plus général dans l’exposition qui le déclenche. Mais