Autothéorisation d'un apprenant et d'un apprentissage
Si vous lisez ce premier billet du nouveau blogue dans lequel je me lance, c'est que vous êtes intéressé de près ou de loin par
la question de l'éducation... ou alors que vous vous êtes perdu sur le Web. Dans
le premier cas, je vous en félicite, pensant comme vous qu'il y a beaucoup de
réponses à y trouver. Dans le deuxième cas, je remercie le hasard de vous avoir
amené ici et vous invite à rester quand même.
Je m'engage solennellement à tenter d'éviter dans ce blogue les lourdes formulations dans lesquelles je tends à tomber. Je
donnerai l'impression d'avoir déjà contrevenu à cette promesse avec le premier
mot du titre du billet. Je précise donc que je suis un fan fini des mots en
«auto-», et que le préfixe ne sert pas qu'à ajouter deux syllabes pour péter de
la broue : c'est souvent une indication essentielle sur la réflexivité d'un
processus. Ici, ça indique que l'acte de théoriser est fait par le théoricien à propos de lui-même. C'est une technique que je trouve souvent pertinente.
Une étude de cas ne vaut jamais que N = 1, mais elle peut mener à la conception de brillantes hypothèses dont il ne reste qu'à vérifier la validité pour d'autres. Les
Anticogrecs exagéraient en disant «Connais-toi toi-même et tu connaitras les
dieux de l'univers», mais on peut dire avec confiance que le soi n'est jamais un
mauvais point d'où partir pour explorer le monde.
J'en profite pour dire que je
ne suis pas du genre à faire du name-dropping, ni à utiliser des mots en
anglais quand les formulations françaises équivalentes sont compréhensibles.
Mais quand il faut faire plus d'effort pour ne pas reconnaitre la propriété
intellectuelle que pour la mentionner, ou encore qu'il faut interrompre le fil
de la pensée pour en trouver une traduction qui la rendra moins claire, je n'en vois pas l'intérêt.
Ce blogue gardera la trace de mes idées par rapport à l'éducation. J'ai
utilisé ce terme comme sous-titre sur la bannière puisqu'il est le plus connu,
mais à mon sens, on devrait toujours parler d'«apprentissage» plutôt que
d'«éducation», celle-ci étant englobée par celui-là, mais dépassée par lui
aussi. De là, aussi, cette idée de théorisation de l'apprentissage. Ce qui
desservirait le mieux la scolarité et l'éducation du 3e millénaire serait
probablement qu'elles passent à une théorie générale de l'apprentissage. Pour
l'instant, c'est comme si l'hôpital et les médecins avaient le monopole de la
santé. (J'avertis d'emblée que c'est une autre constante de ma réflexion, ces
fréquentes comparaisons entre apprentissage et santé. On n'efface pas si
facilement un parcours en médecine... et je ne tiens pas à l'effacer non plus.)
Je tiens un journal personnel de mes réflexions pédagogiques depuis un peu plus
de dix ans maintenant. J'avais prévu les accumuler et publier tout ça en même
temps un jour, quand l'Académie cinétique du titre pourrait faire de la
publicité au recueil. Mais je me dis que l'inverse a plus de sens. L'Académie
cinétique, c'est mon projet d'entreprise pédagogique mondiale à la hauteur des
défis de notre époque. La première partie du nom vient de l'Académie de Platon,
première école officielle; la deuxième partie vient du grec «kinēma» pour
mouvement. Une de mes devises (mais celle qui m'est le plus près, puisque je
l'ai fait tatouer sur ma hanche droite) est «Que le mouvement soit!». Je me
plais à dire qu'avec elle, j'ai corrigé le Dieu de la Genèse, dont le «Que la
lumière soit!» créateur de monde manquait de généralisabilité.
Tout ça pour dire
que l'Académie cinétique vise à mobiliser l'esprit humain - le meilleur
mouvement qui soit. Ses slogans de travail? «Mettre le monde en mouvement» en
français, et «man-made motion» en anglais. J'aurais l'impression de dévoiler
des secrets industriels si je n'avais pas pris la décision d'étendre jusque dans mes
actions entrepreneuriales la transparence totale que j'ai toujours promue
partout ailleurs. Pourquoi? Parce que j'apprécie le défi et y voit un moyen de stimuler ma créativité. Il ne s'agit pas de donner ses idées au point de
ne plus en bénéficier soi-même et que d'autres le fassent à sa place; de cette
manière, on s'empêcherait soi-même d'être une stimulation pour la créativité des
autres. Mais il faut trouver le parfait équilibre entre divulgation et dissimulation pour se garder optimalement actif. J'ai évalué qu'entrainer mes
potentiels compétiteurs dans mes réflexions était stratégique sur le long terme.
Je pourrais donner aux gens qui ne me connaissent pas - et même à ceux qui me
connaissent - l'impression que je nage en pure mégalomanie. Je préfère parler de
«mégalophilie» - d'amour de la grandeur. Et j'en ai. Ça me fait prendre de l'avance dans mes
projections. Il faut dire qu'en termes de réalisation, j'ai pris du retard pour
toutes sortes de raisons dont je ne vous assommerai pas dans ce premier article.
Heureusement, même si je pars de loin, j'apprends vite. J'espère donc être
bientôt à la hauteur de ces prétentions.
Je ne retrouve pas la phrase
exacte, mais Marguerite Yourcenar, dans ses Mémoires d'Hadrien, disait à peu
près qu'on nait véritablement la première fois qu'on porte un regard conscient
sur soi-même. Les plus de dix ans de mon
Journal de l'Académie cinétique tenu en solitaire y ont surement aidé;
mais comme je suis passé de plus en plus - mon amour des lettres ouvertes en
témoigne - à la pensée dialogique, le simple fait de savoir ce que j'écrirai
susceptible d'être lu poussera sans doute plus loin ma conscience de moi-même.
Il m'a fallu longtemps pour assumer ce grand projet central de mon existence
qu'est l'Académie cinétique et laisser aller des sous-projets qui n'y
contribuaient que très indirectement. On peut dire que cette conscientisation a
été le principal apprentissage de mon existence (de 29 ans et des poussières à
ce jour). Je me souviens comme si c'était hier (alors qu'il date de 7 ou 8 ans)
d'un des moments-charnières de cette acceptation. J'étais en phase hypomaniaque
(«high») de mon trouble bipolaire. Je n'avais donc aucune inhibition et j'étais
verbomoteur. Je discutais calmement avec un ami au parc La Fontaine, à Montréal.
Et cette phrase est sortie d'à peu près nulle part, à l'effet que fonder une
école - pas seulement une école, mais une entreprise pédagogique mondiale -
était le but de ma vie. Ç'a surpris mon ami autant que moi-même. Je l'avais dit
clairement comme presque avant de le penser. Ou plutôt, de le penser
consciemment.
J'espère donc que vous serez nombreux à me suivre dans les
apprentissages que je ferai sur moi-même, l'éducation, la scolarité et le
phénomène de l'apprentissage lui-même dans les billets de ce blogue. J'y
réagirai autant que possible à l'actualité et aux résultats de
la recherche la plus récente. Je ferai sans doute certaines références à ce que je tire de mes
projets de recherche personnels et de mes implications diverses, bénévoles ou
rémunérées, dans des contextes éducatifs. Qu'on m'accorde le bénéfice du
doute à propos du fait que ce ne sont pas des publicités déguisées. C'est plutôt
que là aussi, souvent, cacher les détails des situations qui m'ont fait
réfléchir distrairait ma pensée de la voie qu'elle demande à suivre. Je me dis que l'écriture créera peut-être une désinhibition similaire à ce qui s'est passé quand cet
aveu a fusé de mon cerveau en état d'hypomanie... et je tiens à laisser
une chance à tout ce qui peut en sortir.
Au plaisir de discuter avec vous dans
les fils de commentaires,
Frédéric Tremblay
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