Anxiété évaluative et excellence : jeter le bébé avec l'eau du bain
Même si beaucoup d’étudiant·e·s du labo de ma directrice de doctorat se penchent sur l’anxiété évaluative (la branche de l’anxiété de performance qui concerne les tests scolaires), j’avoue ne pas en être un expert moi-même. Ceci dit, à travers mon exposition à mes collègues, mes apprentissages autodidactes et mon habituelle tendance à aller au fond des choses, je me suis monté une réflexion sur le sujet que je considère pas pire du tout. Elle est ressortie hier à l’occasion d’une discussion dans le cadre d’un séminaire – qui avait la chance de n’être pas que théorique, puisque nous parlions de nos propres expériences.
J’en tire plusieurs constats. D’abord, que l’anxiété évaluative semble considérée avec le sérieux d’un trouble psychiatrique inscrit au DSM-5. En fait, ni cette anxiété, ni la plus large anxiété de performance n’y sont. Le diagnostic officiel qui s’en rapproche le plus pourrait être celui de trouble d’anxiété sociale, plus général dans l’exposition qui le déclenche. Mais après tout, est-ce déraisonnable d’envisager que ce trouble soit trop général et mérite d’être sous-divisé? Dans le contexte fortement socialisé de l'humanité du 3e millénaire, comme les façons de souffrir de la vie sociale sont diverses, des diagnostics plus nombreux et plus précis pourraient permettre de mieux représenter ces divers troubles. L’anxiété causée par l’idée d’être jugé par un groupe en prenant la parole et celle de se sentir invalidé par l’institution scolaire à cause de mauvais résultats aux tests, même si elles restent liées par la composante sociale impliquée, sont suffisamment différentes pour que le travail psychothérapeutique sur les deux soit différent. Et comme le but des diagnostics est de rendre les interventions plus efficaces, en avoir plus à ce sujet serait utile.
Ensuite, qu’on a trop tendance à jeter le bébé «évaluation» avec l’eau du bain «anxiété». A-t-on le même réflexe de condamner la vie sociale étant donné l’existence d’un trouble d’anxiété sociale? Non, parce qu’on voit facilement les avantages de la vie sociale. Dans le cas de l’évaluation, il semble qu’on n’en voie pas suffisamment les avantages. Certains enseignants la conçoivent comme un mal nécessaire imposé par le système éducatif et s’y soumettent malgré eux. D’autres lui trouvent une certaine fonction comme sanction des apprentissages, mais soutiennent plutôt le mode succès/échec. Celui-ci est suffisant quand la sélection d’après les résultats se fait sur un mode binaire. Par exemple, pour indiquer qui devrait passer d’une année à l’autre, il est suffisant, puisqu’on peut établir clairement le seuil de connaissances qu’on considère nécessaire pour réussir au niveau suivant. Il n’est pas suffisant pour des sélections plus fines, par exemple des candidats cégépiens pour des programmes universitaires, ou encore des candidats universitaires pour des entreprises. Au contraire, le succès/échec est suffisant pour une formation en entreprise, puisqu’il y a peu de valeur ajoutée à une plus grande différenciation.
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